Interview du fondateur de FEED.
Des entrepreneurs, j’en connais un bon nombre notamment grâce au networking du Digital Food Club. J’en ai interviewé quelques uns jusqu’à présent; mais aucun ne m’a autant impressionnée avec son discours qu’Anthony Bourbon, le fondateur de FEED. J’ai eu droit à une longue explication, mais zéro blabla. Portrait d’un businessman chevronné de 28 ans, ambitieux mais néanmoins mesuré, qui veut le meilleur et rien que le meilleur pour sa start-up.
———- SOCIÉTÉ / PROJET ———-
Darina Senhaji : Quelle est l’idée de ta startup Feed. ?
Anthony Bourbon : Feed. est une alternative de nutrition ponctuelle (et j’insiste sur ce terme ! NDLR) pour ceux qui n’ont pas la possibilité de s’alimenter avec un format classique. Typiquement, Feed. sera la solution idéale pour une personne qui pour une raison quelconque n’a pas le temps de déjeuner mais n’a pas envie de sauter un repas pour autant. Attention, encore une fois il ne s’agit pas de se substituer à un repas, comme peuvent le proposer des solutions comme Soylent par exemple, mais de fournir parfaitement l’apport nutritionnel recommandé pour un repas.
Le prix de départ est de 2,50€ pour le format barre et shaker, autrement dit un prix vraiment abordable y compris pour les étudiants. Ne croyons pas que la smartfood est réservée à un public élitiste !
DS : A qui cela s’adresse-t-il et à quel besoin cela répond-il ?
AB : En une phrase, Feed. s’adresse à toutes les personnes qui ne savent pas cuisiner / qui ne peuvent pas cuisiner / qui ne veulent pas cuisiner, bref, à tous ceux qui souhaitent ingérer un repas complet et équilibré de manière simple et rapide.
Plus précisément, nous avons segmenté des micro-marchés :
- les étudiants, qui n’ont pas forcément le temps de déjeuner équilibré entre deux cours. Le fast-food peut être une solution à court terme, mais elle n’est pas satisfaisante sur le plan nutritionnel.
- les « hard workers » autrement dit les businessmen qui n’ont souvent pas le temps de déjeuner. Marre de déjeuner d’un sandwich devant l’écran d’ordinateur ? Marre de descendre les 150 étages d’une tour à la Défense, courir sous la pluie et faire la queue chez les mêmes Cojean / Subway et compagnie ? Vous avez saisi l’idée.
- les vegan et les associations : ces personnes suivent un régime bien particulier, que ce soit par contrainte de santé ou par choix (ou encore par effet de mode, NDLR). Feed. répond parfaitement à leurs attentes puisque tous les produits de la gamme sont vegan, sans gluten, sans lactose, sans OGM, et sans noix. Cerise sur le gâteau : les produits sont tous fabriqués en France avec des ingrédients naturels de haute qualité.
- les sportifs, même s’ils ne représentent pas la cible principale à la base. Feed. leur permet en effet de bénéficier de 100% des apports nutritionnels nécessaire au corps humain, sans leur faire gagner en masse musculaire ni en graisse. Le saviez-vous ? Depuis qu’ils ont découvert Feed. certains ne se nourrissent que de nos produits !
- les mamans débordées, extrapolées à toutes les personnes qui courent sans cesse à droite et à gauche et qui n’ont ponctuellement ou fréquemment pas le temps de manger un repas équilibré car ce n’est pas une priorité.
Attention, je tiens encore une fois à souligner que Feed. n’a aucune vocation à se substituer à un bon repas cuisiné maison, ni à une assiette de restaurant. Nous aimerions tous, idéalement, pouvoir aller cueillir nos fruits et légumes, nous mijoter des petits plats à chaque repas ! Mais le fait est qu’avec le niveau d’activité actuel, ceci est quasiment impossible. Feed. se présente comme une alternative ponctuelle : une fois par mois, une fois par semaine pour les plus pressés, une fois par jour pour les plus déterminés, etc.
DS : Où en êtes-vous ?
AB : Actuellement, nous venons tout juste de réaliser une levée de fonds avec notre partenaire SENSEII Ventures (collectif d’entrepreneurs). C’était certes une volonté très forte de lever des fonds, mais je ne voulais pas non plus me presser. Combien de start-ups démarrent en trombe, lèvent des fonds aussi vite, puis disparaissent dans la nature faute d’avoir quelque chose de concret à commercialiser ?
Je me vois davantage comme un businessman que comme un start-uper. Il faut voir grand dès le départ. Il faut prendre le temps d’analyser le marché, et de construire avant tout un business-model solide qui permet d’arriver rapidement à une situation d’auto-financement.
Aujourd’hui, je suis confiant sur le potentiel de Feed. compte-tenu de la qualité du produit. Nous n’avons pas peur de la concurrence car notre produit allie à la fois plaisir et qualité nutritionnelle. Il ne s’agit pas d’une n-ième barre énergétique sans saveur. Les produits Feed. sont conçus sans aspartame, sans produit chimique.
Notre équipe d’ingénieurs agro et de diététiciens nous ont orienté vers des ingrédients sains et à haute valeur nutritionnelle comme l’avoine ou le sarrasin, pour que chaque produit Feed. procure une sensation de satiété allant de 7 à 9 heures. Pari réussi ? Déjà 10 000 repas ont été vendus en quelques mois, et le meilleur est encore à venir !
DS : Quelles sont les prochaines étapes ?
AB : La récente levée de fonds va permettre des améliorations à plusieurs niveaux :
- optimisation des process de fabrication
- développement des outils de publicité et marketing, notamment en faisant appel à des influenceurs
- renforcement de l’équipe Feed.
Aujourd’hui, la Grande Epicerie de Paris s’est naturellement intéressée à la marque. L’exclusivité de ce partenariat s’achèvera fin février, et déjà d’autres négociations sont en cours.
Bien que de prestigieuses enseignes s’intéressent à Feed., il ne faut pas que le concept soit trop révolutionnaire, de façon à ne pas choquer le marché non plus. J’ai pleins de nouvelles idées, mais j’ai à cœur d’étudier de près la faisabilité de chaque avancée avant de la lancer. D’ici 10 à 12 mois j’espère boucler un second tour de table.
DS : Quel est le modèle économique ?
AB : Nous nous rémunérons grâce à la marge faite sur les ventes de Feed.
Au démarrage du projet, j’ai placé la qualité du produit au cœur de la stratégie de marque, quitte à réduire la marge. Aujourd’hui en 2017, le consommateur sait parfaitement lire une étiquette nutritionnelle d’un produit, les industriels ne peuvent plus faire semblant. Vous l’aurez compris, ce ne sont pas les ingrédients du produit qui constituent la marge de Feed., mais plutôt les économies d’échelle liées au packaging, ou encore l’amélioration des process industriels.
La promesse satiété est primordiale pour Feed. Si un client a faim au bout de 2 heures, c’est un échec pour nous, et en termes business il n’y aura pas de repeat. Or ce n’est pas le cas aujourd’hui : nos premiers résultats sont très encourageants, avec un taux de transformation autour de 4% sur le site internet, avec un panier moyen de 70€.
———- FONDATEUR ———-
DS : Qu’as-tu fait pour en arriver là ?
AB : J’ai suivi des études supérieures de Droit : je suis diplômé d’un Master 2 en droit privé général ,spécialisé en en finance d’entreprise. Bref, tout me destinait à une grande carrière d’avocat. Sauf qu’une fois en poste, je me suis vite rendu compte que le quotidien professionnel d’un cadre supérieur de bureau ne me correspondait pas. J’avais besoin de contact humain.
Alors que je dirigeait un groupe immobilier avec des amis, nous avons décidé de réunir nos fonds propres afin de nous lancer dans l’entrepreneuriat. Et qui dit fonds propres dit zéro dépense superflue !
Dès le lancement de Feed. j’ai installé le laboratoire de production dans un véritable atelier, dirigé par un logisticien professionnel, et je me suis entouré de trois fabricants. On est loin de la petite start-up qui démarre sa popote dans le garage des parents ! Bref, je voulais fonctionner comme une société sérieuse dès le début. Résultat ? Aujourd’hui la société tourne bien; je gère seulement la partie business development et la satisfaction client.
DS : Qui sont tes associés et comment vous êtes-vous rencontrés ?
AB : A vrai dire j’étais seul lorsque j’ai créé Feed. Je me suis mis dans le projet à 100%, si bien que j’ai pu faire avancer les choses rapidement. Je travaillais 24h sur 24 pour mon entreprise : quand on aime, on ne compte pas ! Pour moi, la priorité lorsqu’on monte une entreprise, c’est le chiffre. Le chiffre, le chiffre, le chiffre. Pas de perte de temps. Pas d’étude de marché à rallonge. Mon business-plan ? Je n’en ai jamais fait : j’ai préféré aller moi-même à la rencontre de consommateurs tout simplement, leur demander s’ils rencontraient parfois des difficultés à s’alimenter de manière équilibrée. Avec des réponses 100% affirmatives, je n’ai pas attendu pour me lancer.
Bien sûr, je me suis rapidement entouré : des diététiciens, des ingénieurs, des partenaires financiers, et bientôt un chef cuisinier connu, pour le plus grand plaisir des gourmets ! #surprise
DS : Comment est née l’idée de Feed. ?
AB : Lorsque j’étais étudiant, je me préparais des mixtures à base de céréales car j’en avais assez de manger sur le pouce un sandwich. Mes amis de l’époque m’avaient demandé de leur préparer une portion, si bien que parfois je me retrouvais avec 5 litres de boisson ! J’ai souhaité aller au bout du projet, c’est pourquoi je me suis entouré de spécialistes pour passer de la popote à la perfection nutritionnelle.
DS : Pourquoi la Foodtech est-elle un secteur intéressant ?
AB : Pour moi, la Foodtechest un secteur intéressant à deux titres :
- tous les êtres humains dans le monde ont besoin de s’alimenter. Dans la mesure où l’on prend trois repas par jour, on se sent tous concernés par la food. C’est un secteur fédérateur dans le sens que chacun a un avis sur la question.
- dans les années à venir, nous seront 10 milliards d’Hommes sur Terre. Cette évolution implique des enjeux alimentaires considérables : comment nourrir tout ce monde ? La réponse : adopter dès maintenant un mode de consommation raisonné. Quand on sait qu’aujourd’hui il faut 12 000 litres d’eau pour produire 1 kg de viande, sans parler de l’abattage des animaux, on se dit qu’une alternative est obligatoire voire urgente.
C’est une bonne chose que de plus en plus de publics s’intéressent à la Foodtech : journalistes, start-upers, early adopters, etc. Plus on parle de cette tendance et plus on prend conscience qu’il faut réagir.
DS : Un conseil à un futur entrepreneur foodtech ?
AB : Concentrez-vous sur le Produit et pas sur le superficiel. Le packaging viendra après, les power-point viendront après. Veillez à l’efficacité de votre produit, à sa faisabilité, avant d’aller plus loin ! Si votre produit est bon, les clients (et les partenaires) viendront directement à vous. Quand je vois le succès de Feed. sans même avoir communiqué à l’excès, je me sens confiant sur mon produit et je compte poursuivre l’aventure avec la même prudence et la même détermination.
(crédit : Nicolas Robaux)